Medailles et Drapeaux

Dans mon village natal,  une voisine vivait avec son mari et son père.

Elle savait tout faire, connaissait tout et avait du temps pour nous,
les enfants. A chaque moment de liberté, je passais chez Germaine.

Mais elle préférait ma soeur...

 Dans mon village natal,  une voisine vivait avec son mari et son père.

Elle savait tout faire, connaissait tout et avait du temps pour nous,
les enfants. A chaque moment de liberté, je passais chez Germaine.

Mais elle préférait ma soeur cadette qui était plus fifille que moi,
et quand c'était mon tour de lui rendre visite, je lui demandais des
histoires sur la guerre...

Si c'était la bonne heure pour Joseph, son papa,  nous passions
dans la ''chambre''.  C'était une pièce grande et sombre avec un vieux
poste en noir et blanc et un écran épais comme un verre géant pour myope.

Un tapis et sa table ronde trônait au centre de la pièce avec peu de chaises
car celles-ci étaient placées prés du grand lit, pour les visiteurs de
l'ancien combattant.

Pièce assez sombre juste une petite fenêtre qui s'efforçait de distribuer
un peu de clarté.  Comme les anciennes maisons qui craignaient le froid
d'antan, les fenêtres étaient peu nombreuses et toujours étroites.

Je m'installais tandis qu'elle relevait son père d'un oreiller sous le dos,
il me souriait toujours le héros, et  je riais de voir son unique dent !

Elle  s'enquérait de son bien-être et demandait l'autorisation de raconter.
Un son guttural et rauque venait du haut du lit, il acquiessait.
J'étais habituée à Joseph, il me reconnaissait, la petite fille aux yeux aussi noirs
que ses cheveux, la petite à Cyrille comme elle disait.

Et Germaine me racontait les deux guerres, car il avait fait les deux ce petit
Monsieur tout rabougri dans son lit de souffrance.

Elle me parlait de la passive, des morts, des boches comme elle disait,
du froid et du manque de nourriture. Elle ajoutait souvent :

"On a eu deux guerres,  espérons que la troisième ne viennent pas...."
C'était au début des années 70 et la guerre froide ne s'appaissait pas .

Il y a des jours où Germaine me chassait gentiment car son papa était
moins bien et qu'il fallait faire silence.  
Parfois s'il était endormi, elle acceptait un peu de me recevoir mais sans bruit,
on chuchotait, on dessinait ou bien on pliait un unigro pour en faire un carrousel !

Plus tard elle m'apprendra le tricot, le crochet, la broderie sur toile en lin,
et surtout la vie !  C'était une dame d'une moralité intransigeante, et elle
avait toujours des anecdotes et des exemples qui marquaient l'esprit.

Elle a toujours accepté le désagrément du bruit de la fête foraine qui se déroulait  à un mètre de sa maison. Si si je vous assure, il y avait juste la place pour entrer  chez elle; les scooters étaient installés tout à coté et c'étaient des moments difficiles pour Joseph car le bruit le rendait nerveux... il passait très mal les nuits de kermesse.

Cependant le jour de l'armistice était attendu,  c'était le branle bas de combat
chez Germaine,  interdiction pour nous les enfants de s'y rendre, Joseph recevait du monde....

Après la levée d'honneur au monument aux morts, tous les drapeaux se
groupaient autour de la maison  et quelques uns entraient pour saluer le héros
couché sur son lit de médailles.

Très fier de ses lourdes décorations aux couleurs délavées, une seule avait de
l'importance à ses yeux, celle donnée par le roi.

Cependant il les auraient toutes jetées pour refaire le monde et retrouver sa vie.

Un jour Joseph s'est éteint sans bruit, sauf que les Messieurs tout de noirs vétus sont revenus avant la date habituelle.

Cette femme est partie rejoindre toute sa famille il y a peu.  C'était un coeur noble et juste.
Dans mon village tous l'appréciait et je pense que l'on  s'en souviendra longtemps....

Coucou Germaine... de la haut voit comme  je ne t'ai pas oubliée...

Merci de m'avoir lue.  Eliane

         

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